Droit de retrait : de quoi s’agit-il ?

droit de retrait souffrance au travailLe droit de retrait permet, sans autorisation, à un.e fonctionnaire de ne pas accomplir une mission – de ne pas faire son travail – si celle-ci présente un « danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ». Ce n’est alors plus un abandon de poste entraînant une sanction ou un retrait de salaire. Le droit de retrait autorise aussi à quitter le lieu de travail pour se mettre à l’abri. Cette procédure constitue ainsi un recours contre un abus de pouvoir de la hiérarchie ou une négligence importante concernant les conditions de travail. Ou plus simplement pour faire face à une situation d’urgence. Elle existe aussi dans le secteur privé [1]. C’est un droit individuel, mais qui peut s’exercer collectivement.

Le droit de retrait : une procédure de sauvegarde, mais pas un substitut à la grève

Mais attention : il ne s’agit pas d’une aubaine qui permettrait de faire grève sans perte de salaire. Certains syndicats ont tendance à le laisser entendre. Or tout abus, même de bonne foi, peut se retourner contre le fonctionnaire, notamment par un retrait de salaire. On admet cependant que, si le danger n’est pas réellement grave ou imminent, il suffit que le.la salarié.e ait pu raisonnablement le croire, eu égard aux circonstances.

Droit de retrait : des exemples

On peut exercer son droit de retrait en refusant :

  • lors d’une sortie scolaire, de monter dans un car qui n’est manifestement pas sûr, ou dont le chauffeur n’est pas en état de conduire.
  • de travailler dans une salle dont les éléments du plafond menacent de tomber.
  • de travailler exposé.e à des émanations toxiques.
  • ou pour éviter un risque d’agression manifeste.
  • ou pour échapper à un harcèlement (voir plus bas).

Mais on ne peut pas légitimement y recourir pour protester ou échapper à des conditions de travail difficiles mais non dangereuses. Ni créer une situation mettant en danger d’autres personnes.

En tout état de cause, on doit prévenir de la situation dangereuse et de sa situation de retrait. On prévient donc sa hiérarchie, ou un.e représentant.e du personnel de l’une des deux commissions locales mises en place par l’AEFE : Hygiène et Sécurité de la Communauté Scolaire ou Conditions de Travail des personnels,  En ce qui concerne les enseignant.e.s, ils.elles restent responsables des élèves. Ainsi, dans le cas d’une salle de classe dangereuse, il faut faire sortir les élèves.  Mais il faut bien sûr continuer à les encadrer en-dehors de la pièce.

Une nouveauté : le droit de retrait en cas de harcèlement

Une circulaire du 4 mars 2014 émanant du Ministère de la Fonction publique, dans le cadre de la lutte contre le harcèlement sexuel et moral, et en application de la loi, précise [2] non seulement que le droit de retrait peut être utilisé en cas de harcèlement sexuel. Mais encore qu’il « pourrait être utilisé contre le harcèlement moral dès lors que le danger est considéré comme grave et imminent » [3].

Précisons d’abord que le danger grave est justifié par le caractère humiliant et hostile, et les conséquences psychologiques que cela peut entraîner chez la victime ; le caractère imminent dépend du contexte. Précisons ensuite que l’emploi du conditionnel du deuxième cas vient du fait que la circulaire traite fondamentalement du harcèlement sexuel. Quoiqu’il en soit, il s’agit là d’un outil nouveau pour lutter contre le harcèlement.

Cela étant, le droit de retrait ne peut pas suffire. On ne saurait trop conseiller de prévenir très rapidement un.e responsable du syndicat, voire directement son.sa représentant.e à la commission Conditions de Travail des personnels. En effet,  une situation de harcèlement est toujours trop grave et difficile pour qu’on l’affronte seul.

En fait, faire appel aux élu.e.s n’est pas obligatoire . Mais cela vaut mieux, pour qu’ils déclenchent en parallèle ce qu’on appelle une « procédure d’alerte » qui permet une certaine transparence. L’élu.e doit donc être associé.e à l’enquête. Et, si ses conclusions divergent de celles de l’autorité, le CHSCT central de l’AEFE peut être saisi. Dans tous les cas, il faut consigner la situation dans le registre de signalement d’un danger grave et imminent. Le.la chef.fe qui ne peut le produire est en faute. Notez que les chef.fe.s sont tenu.e.s de mettre en œuvre des mesures de protection de la victime, sous peine d’être juridiquement en « faute inexcusable ».

D’une manière générale, n’hésitez pas à informer le syndicat d’un cas d’usage de droit de retrait. D’une part des conseils et du soutien ne sont pas à négliger pour prévenir une mauvaise interprétation de la situation par ses chef.fe.s. D’autre part, elle peut être le révélateur d’un problème plus collectif de conditions de travail. Et la solidarité syndicale sert à résoudre ce genre de difficultés.


[1] Article L. 4131-1 du Code du travail pour les salariés du secteur privé ; article 5-6 du décret n°82-453 du 28 mai 1982 pour les fonctionnaires.

[2] Loi n°2012-954 du 6 août 2012 sur le harcèlement sexuel.

[3] Annexe de la circulaire n° SE1 2014-1 du 4 mars 2014, page 14.