Hybrider son enseignement, pis-aller ou opportunité ? Un webinaire du Sgen-CFDT

Le 8 octobre, le Sgen-CFDT a organisé avec enseignants-chercheurs et enseignants du secondaire un webinaire sur le thème : « Hybrider son enseignement, pis-aller ou opportunité ? »

Hybrider son enseignement : que dit la recherche universitaire ?

Denis Paquelin est professeur titulaire de la Chaire de leadership en enseignement sur la pédagogie de l’Université Laval (Québec). Il propose la définition suivante : « hybrider son enseignement nécessite un rapport de 20 à 80 % d’activités précédemment en présence avec autres modalités d’enseignement. L’hybridation ne commence à avoir du sens que si deux composantes sont issues de pratiques différentes. Passer du cours magistral à la visio est le degré zéro de l’hybridation. »

L’hybridation est différente de la flexibilisation. Elle combine et intègre différentes activités pédagogiques à des degrés divers

Bertrand Mocquet est chercheur en Sciences de l’Information et de la communication au Laboratoire MICA à l’Université de Bordeaux Montaigne. ordinateur et livresL’enseignement hybride peut se concevoir en urgence, comme cela a été le cas lors du confinement. Il nécessite toutefois la reconnaissance du temps passé à concevoir l’hybridation.

Une enquête en ligne sur les effets du confinement

Edwige Coureau-Falquerho est coordinatrice de l’enquête sur les effets du confinement sur l’activité des professionnels de l’enseignement à l’IFÉ. Pour elle,  le concept d’hybridation s’inscrit en France dans une réflexion sur les nouveaux espaces d’apprentissage, et sur les évolutions socioculturelles, socio-professionnelles, liées notamment au changement climatique. Ce concept vient interroger la façon d’habiter les bâtiments scolaires. Les espaces virtuels interrogent les espaces traditionnels. Au couple présence/distance s’ajoutent les temps synchrone/asynchrone, le travail guidé/personnel, et la diversité des postures pédagogiques. Une enquête en ligne, réalisée de mi-avril à mi-juin, a porté sur les effets du confinement. Elle a montré parmi les quelque 1500 enseignants du secondaire qui ont répondu à cette dernière une baisse de la coopération au sein des équipes en général. On constate toutefois une adaptation des enseignant·es puisqu’ à la fin du confinement seul·es 40 % d’entre eux étaient très ou plutôt mal à l’aise, contre 60% à son début.

Hybrider son enseignement à la lumière de la classe inversée

Simon Tournerie, enseignant de SVT, formateur académique, secrétaire général adjoint  de l’association « inversons la classe », témoigne que les inverseurs et inverseuses interrogent depuis longtemps le présentiel et la relation synchrone entre enseignant·es et étudiant·es. La pratique habituelle « cours en classe, exercice à la maison » n’existe pas chez elles·eux. L’utilisation des pédagogies actives  dans une démarche inversée a permis aux élèves de mieux vivre le confinement en étant moins isolé·es.

Des idées-forces et des outils pour l’enseignement hybride 

  • Alors que les universités au Canada sont à nouveau en confinement, Denis Paquelin indique que la crise ne doit pas être un seul moment de confusion mais de décision. Il distingue 7 idées-forces pour l’hybridation.
  • Des besoins de formation ont été identifiés.
  • Un gros débat sur le RGPD et sur le rôle et la pertinence des outils institutionnels a émergé. Faut-il privilégier l’ergonomie et la fluidité, ou le respect des données personnelles ?
  • La comodalité est la possibilité offerte à chaque étudiant·e de réaliser les modalités d’apprentissage selon présence, distance synchrone et distance asynchrone, comme il le souhaite, d’une semaine à l’autre. Elle se traduit par un mode à distance synchrone majoritaire.
  • Les études ont montré que les étudiant·es de 1e année réussissent mieux et sont plus impliqué·es en hybride qu’à distance ou en présence. Il y a donc besoin d’un accès à Internet généralisé et de suffisamment d’autonomie des élèves.

Suite aux questions des participant·es, Denis Paquelin a précisé que l’inégalité numérique est une réalité qui doit être prise en compte, et de façon plus générale, les conditions de vie des étudiant·es. En Afrique subsaharienne des initiatives ont par exemple fait appel à des médias qui peuvent paraitre désuets comme la radio. Sortir de l’urgence implique donc de se questionner sur les valeurs éducatives : que vaut un modèle de pédagogies actives de transmission s’il sert un modèle d’industrialisation de l’éducation ?

De nouvelles procédures de certification et évaluation des apprentissages sont encore nécessaires

Les procédures de certification et d’évaluation habituelles se sont révélées inopérantes car la crise sanitaire a impliqué un traitement en urgence.

La fonction de l’évaluation doit être révisée dans le processus d’apprentissage. « J’enseigne, mais apprennent-ils ? » Faut-il placer un curseur ? Faire un classement ? Accompagner les élèves dans un feed-back pour les guider ? On doit s’autoriser à repenser la relation enseignant/élève. Le message ministériel très clair « arrêter de noter » a été compris comme « arrêter d’évaluer » même de façon formative. On peut dire que c’est un impensé de la période. Il faut donc encore inventer et adapter l’évaluation, augmenter la recherche à ce sujet.

Nous pouvons espérer comme l’un des participant·es syndicaliste :  « j’avais l’impression que l’institution était cacochyme…mais en fait elle est peut-être seulement immature ». Dans l’Education nationale française, les expertises existent au sujet de l’hybridation : ayons confiance dans l’évolution possible des pratiques de l’institution et la mise à disposition d’outils suffisamment performants.