En ce début du mois de décembre, le sujet des retraites est de plus en plus au cœur des préoccupations. Le Sgen-CFDT de l’étranger en a débattu longuement. Les vidéos des débats ont été communiquées aux adhérent·es.
La réforme des retraites approche donc et chacun.e semble sommé·e de se positionner. Pas simple, alors que l’on est loin de disposer de tous les éléments nécessaires. Au Sgen-CFDT de l’étranger, certains points font cependant consensus.
– Le système de retraites actuel est injuste. Il pénalise fortement les femmes, les polypensionné·es, de plus en plus nombreuses et nombreux dans l’Éducation nationale, et plus globalement les plus précaires. Les effets des réformes de 2010 et 2013 ne vont faire qu’aggraver cette situation, en allongeant notamment les durées de cotisation. La CFDT s’est mobilisée longuement en 2010 contre la réforme proposée par le gouvernement Fillon. C’est celle-ci qui s’applique aujourd’hui et en cohérence nous ne pouvons en être satisfaits. Pour nous une réforme est donc indispensable !
– Cependant, une réforme paramétrique, qui viserait à faire des économies, en allongeant la durée de cotisation par exemple, n’est pour la CFDT pas nécessaire. Les déficits actuels du système de retraites sont bien davantage dus à des politiques peu adaptées (heures supplémentaires défiscalisées, gel du point d’indice des fonctionnaires) qu’à des problèmes quant à l’âge de départ en retraite ou à la durée de cotisation.
– Le projet de réforme des retraites du gouvernement n’est à ce jour pas connu ! Le rapport Delevoye, rendu à la fin de l’été en a posé les bases, mais de nombreux éléments restent flous et les différences entre rapport et réforme peuvent être sensibles. Certains points correspondent à des revendications anciennes de la CFDT : un régime à points, universel mais pas uniforme. D’autres posent davantage souci : par exemple l’idée d’âge pivot.
– Appliqué en l’état, le rapport Delevoye dégraderait fortement les pensions des personnels de l’Éducation nationale à long terme. C’est un point qui ne fait pas débat, reconnu par l’ensemble des syndicats mais aussi le ministre de l’Éducation nationale et le président de la république.
– En conséquence, il faut prévoir des compensations au cours de la carrière, qui permettent de maintenir le niveau des pensions enseignant·es. Ces compensations doivent aussi permettre une revalorisation salariale progressive sur plusieurs années qui est indispensable pour nos métiers. La revendication du Sgen-CFDT est simple : gagner plus aujourd’hui pour gagner autant qu’avant à la retraite.
– Des discussions se sont ouvertes sur ces compensations. Le stade du constat n’a pas encore été dépassé et l’on attend toujours des éléments datés et chiffrés. Le ministre s’est toutefois engagé dans un courrier à ce que ces compensations permettent aux personnels enseignants de l’Éducation nationale d’obtenir des pensions équivalentes à celle des autres fonctionnaires de catégorie A. Combien ? Quand ? A quelles conditions ? Ces questions restent posées à ce jour, surtout que certaines déclarations, notamment celles du président Macron à Rodez, ont pu jeter le trouble.
– Des éléments plus précis, à la fois sur le projet de retraites du gouvernement et sur les compensations à destination des personnels de l’Éducation nationale, doivent être communiqués en janvier/février. On y verra alors sans doute plus clair.
C’est donc dans ce contexte qu’une intersyndicale, au départ issue de la RATP, appelle à la grève le 5 décembre avec pour espoir de faire renoncer le gouvernement à son projet.
Comme à chaque fois qu’une décision politique doit être prise, c’est le bureau du conseil syndical du Sgen-CFDT de l’étranger, des collègues issus de tous les corps et tous les lieux, élu·es lors du dernier congrès de notre organisation, qui a été amené à se prononcer. Les débats y ont été riches et nuancés avec le souci de penser la situation dans sa complexité. Au final une majorité des collègues se sont prononcés contre un appel à manifester avec l’intersyndicale ce 5 décembre. Cependant, plutôt que de vous appeler à faire ou ne pas faire telle chose le 5 décembre, il nous a semblé plus intéressant, plus émancipateur aussi, de vous faire part des arguments et des réflexions échangées. Voilà qui pourrait vous permettre de répondre à cette question : et vous, vous faites quoi le 5 décembre ?
Je ne serai pas en grève le 5 décembre car…
– le projet final n’est pas encore connu. Se prononcer sur la base d’éléments approximatifs n’a pas réellement de sens. Dans quelques semaines le projet sera connu et il sera alors largement le temps de se prononcer, surtout sur une telle réforme au long cours. Entre la présentation du projet et son vote, il y aura beaucoup d’occasions de se mobiliser. Entre son vote et sa mise en application, il y aura de nombreuses élections.
– l’intersyndicale qui se mobilise le 5 décembre appelle à un retrait du projet gouvernemental. Or nous sommes convaincus qu’une réforme est nécessaire, la situation existante n’étant pas satisfaisante. Faire entendre nos positions et nos arguments serait difficile en se greffant sur un mouvement dont nous ne partageons pas les mots d’ordre.
– renoncer au projet de réforme des retraites, c’est dans l’Éducation nationale, renoncer aussi aux discussions sur une revalorisation qui l’accompagnent. Or cette revalorisation est urgente et nécessaire pour les collègues. Autant continuer les négociations pour obtenir de l’argent qu’en perdre dès aujourd’hui en faisant grève.
– de nombreux mots d’ordre divers se greffent sur la mobilisation du 5 décembre, créant le sentiment d’une grève fourre-tout. Nous pensons que la multiplication des mots d’ordre crée de la confusion et est un frein à une action efficace
– le mouvement social est d’ores et déjà conçu comme un affrontement entre une majorité qui souffle régulièrement sur les braises et des syndicats qui ont annoncé qu’ils n’attendaient rien d’une réforme et d’une revalorisation à peine les discussions entamées. On peut choisir de refuser cette logique campiste qui fracture peu à peu notre société.
Je serai en grève le 5 décembre car …
– si les incertitudes sur le projet de réforme des retraites sont nombreuses, une grève peut être un moyen de mettre la pression sur le gouvernement pour faire basculer le projet dans le bon sens et obtenir enfin la réforme que nous souhaitons.
– une revalorisation est certes envisagée, mais entre les petites phrases du président Macron à Rodez et les sous-entendus ministériels sur une approche du type « travailler plus pour gagner plus » il est bien difficile d’avoir confiance en ce qui s’annonce.
– le gouvernement n’a d’ailleurs donné quasiment aucun gage de confiance depuis 2017. Les partenaires sociaux et les personnels ont été globalement ignorés dans les réformes mises en place et celles-ci ont trop souvent eu un objectif essentiellement budgétaire.
– les raisons d’exprimer son mécontentement sont ainsi nombreuses et la fatigue des collègues sur le terrain est grande et doit pouvoir s’exprimer. Nous nous exprimions en ce sens au mois d’octobre.
– ne pas être en grève le 5 décembre c’est prendre le risque de s’isoler des autres syndicats qui dans leur majorité appellent à une action.
Au final c’est donc à chacun de se positionner à partir des informations et des arguments des un.e.s et des autres. Et c’est sans doute sain pour une société démocratique !
L’essentiel dans tous les cas sera de se rappeler que la question clé n’est pas « en grève ou non le 5 décembre » mais bien « quel système de retraites à l’avenir ». Et que pendant que le projet de réforme des retraites se dévoile peu à peu, d’autres sujets, aux conséquences souvent bien plus immédiates et sensibles, continuent à mériter notre attention : réforme du lycée, mal-être au travail, assurance chômage, sort des migrants et surtout crise écologique. Il est important de se soucier de nos retraites après 2050. Mais encore plus essentiel de faire en sorte que nous ayons à cette date une planète habitable sur laquelle en profiter